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compte des objectifs de production du viticulteur. En plus des   Même la phytothérapie s’utilise en agroécologie. Car on
       outils de modélisation (cf « Agroécologie, Mode d’emploi »),   peut soigner des plantes par les plantes ! « On peut utiliser
       Racine propose donc l’installation  de stations météo, de   de nombreux types de plantes en fonction du problème à traiter :
       volucompteurs, des sessions de mesures de chambre à   ortie, prêle, consoude, fougère… sous forme d’huiles essentielles,
       pression pour le potentiel hydrique, le suivi des irrigations   de décoctions,  de tisanes, de macérations…  que l’on pulvérise
       réalisées ainsi que des préconisations hebdomadaires.   directement sur la vigne », énumère Claire Scappini.
       Piloter l’irrigation est une chose, limiter le besoin d’apport en
       eau en est une autre. Et, là encore, l’agroécologie multiplie   L’AGROFORESTERIE : AUPRÈS DE MON
       les  leviers.  «  Les  couverts  végétaux  favorisent  effectivement   ARBRE, JE VIVAIS HEUREUX…
       l’infiltration et le drainage, confirme Claire Scappini.  Et en
       matière de stockage de l’eau aussi, la matière organique a un
       effet prépondérant : dans le long terme, elle joue un rôle d’éponge
       et retient l’eau en grandes quantités. De plus, elle limite le
       ruissellement qui se produit lorsque de l’eau tombe sur un sol nu. »

       BIOSTIMULATION ET BIOCONTRÔLE :
       MIEUX VAUT PRÉVENIR QUE GUÉRIR













                                                        « Sous nos climats, explique Bruno Pèbre,  la destination
                                                        naturelle d’un sol, c’est d’aller vers la forêt. Et cette forêt rend
                                                        énormément de services, parmi lesquels la climatisation des
                                                        cultures.  »  Ainsi  est  née  l’agroforesterie.  «  Cela  consiste  à
                                                        planter des arbres à  l’intérieur ou  aux abords d’une  parcelle,
       La phytothérapie appliquée à la viticulture      précise Claire Scappini.  Le type d’arbres choisis dépend de
                                                        l’objectif de l’agriculteur, du climat, du type de sol… On regarde
       Le principe n’est pas nouveau, mais son application aux plantes   les environs, observe ce qui existe déjà… On peut introduire des
       résume bien le changement de paradigme qui est en train de   érables, des tilleuls, des mûriers blancs… Mais on essaiera de
       s’opérer. « Jusqu’alors, en agriculture, il y avait souvent les engrais   les associer avec des arbres fruitiers. Ensuite, on les taillera en
       d’un côté et les produits phytosanitaires de l’autre,  constate   fonction de leur emplacement et des objectifs. »
       Inès Taurou, coordinatrice marché biostimulants au sein du
       groupe Perret.  Aujourd’hui, on essaie de raisonner autrement,   « Chaque parcelle est un cas particulier »
       et de revenir à des pratiques plus fondamentales. Les produits
       de biocontrôle sont des produits naturels homologués comme   Dans tous les cas, en été, l’arbre apporte son ombre. En hiver,
       produits de protection de la plante. Les biostimulants améliorent   même sans ses feuilles, il chauffe l’atmosphère autour de lui.
       les processus physiologiques en stimulant le métabolisme des   « Des photos infrarouges prises cette année, lors de l’épisode
       plantes que ce soit pour augmenter l’efficience des engrais et donc   de gel du mois de mars, ont montré que l’écart de température
       diminuer leurs apports, pour renforcer la résistance des plantes   près des arbres était très significatif », reprend Bruno Pèbre.
       aux stress climatiques ou encore pour améliorer la qualité des   « Encore faut-il bien sûr que l’air puisse circuler, précise Claire
       cultures en facilitant par exemple le processus de floraison ».  Scappini. Chaque parcelle est un cas particulier ».

       « La personne avec qui nous travaillons, raconte Bruno Pèbre,   En outre, l’arbre est « relié ». À travers tout un réseau
       nous dit qu’elle lit les plantes ! Elle regarde comment, où, et   de microorganismes, il établit des liaisons, entre lui et
       avec qui elles se développent, quand elles fleurissent, se fanent,   d’autres arbres, entre lui et le sol, entre lui et les plantes qui
       se reproduisent… Elle en déduit  une capacité  de  la  plante à   l’entourent… « Il y a six fois plus de vivant sous terre que sur terre,
       s’adapter à tel ou tel milieu. Nous utilisons ces propriétés   rappelle Bruno Pèbre. Grâce à ces liaisons, l’arbre est capable
       d’adaptation pour lui permettre de mieux se défendre en cas de   de faire remonter de très grandes profondeurs à la fois de l’eau
       stress hydrique ou de choc thermique, ou face à un agresseur   et des éléments minéraux. Et lorsque ses feuilles tombent au
       type champignon ou puceron. En l’occurrence, nous revenons   sol, il restitue ces éléments minéraux aux plantes de surface. »
       à une pratique  ancestrale,  même si elle n’avait  pas l’aspect   Argument supplémentaire en faveur de l’agroforesterie : elle
       scientifique que nous lui donnons aujourd’hui ».   permet aussi d’entretenir la biodiversité.


       4 - Le Carré de Racine - Hors-série
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